Paris, 21/11/2005,12/11/2007 et 05/10/2012
lien vers la Lettre de Marcel Lamouche Noël 1914 => à venir
Il
y a une erreur dans le lieu d’écriture de cette lettre. Elle a été
rédigée dans le village de BOURG et COMIN, Aisne, situé dans le Sud du
triangle Soissons-Laon-Reims.
La
ville de BRAINE et les villages mentionnés sont à environ 20 kilomètres
à l’Est de Soissons et à 6 kilomètres de ce lieu qui allait devenir le
tristement célèbre «Chemin des Dames», trois ans plus
tard, en 1917.
L’arrière
grand-oncle de Marine s’appelait Marcel, Henri LAMOUCHE, était le
frère ainé de ma grand-mère paternelle. Celle-ci devait l’aimer à ce
point qu’elle donna à son fils unique les mêmes prénoms que ceux de son
frère «mort à la guerre».
C’était
une chose assez courante à cette époque en 1927. Mon père se prénomma
donc Marcel, Henri GIOT et c’est le détail qui me permit, avec le lieu
de naissance, le régiment et le lieu de recrutement d’être certain de
l’identité de mon grand oncle lorsque sa fiche apparue devant mes yeux.
Le patronyme LAMOUCHE était alors peu répandu dans notre pays.
Chose
moins répandue, par contre, est que le village où il trouva la mort,
CUMIERES dans la Meuse, à l’Ouest de Verdun est lui aussi déclaré «Mort
pour la France». Cela signifie qu’il n’a pas été reconstruit
après la fin de la première guerre mondiale, ayant été entièrement
détruit par les différents pilonnages d’artillerie qu’il eut à subir
pendant celle-ci.
Depuis
1918, il y existe malgré tout UN habitant ! C’est le Maire de
CHATTANCOURT, la commune la plus proche, qui est chargé par l’Etat de
pallier aux affaires courantes du territoire de cette commune
précisément. La commune de CUMIERES compta jusqu’à 229 habitants avant
la première guerre mondiale. Il existe neuf villages ou hameaux ainsi dénommés dans les
environs de Verdun du fait des bombardements et des gazages qu’ils
subirent.
Mon
grand oncle y trouva la mort le 23 ou le 29 Avril 1916, un doute
subsiste encore, soit pendant la préparation d’artillerie précédant
l’importante offensive allemande qui débuta sur "Le Mort Homme" et la
"Côte 304", le 1 er Mai 1916, soit du fait d’un tir isolé ou d’un
incident de tir. Il était "Sapeur de 1ère Classe", simple soldat donc,
dans la compagnie 4/63 du 1er Régiment du Génie et maniait à ce titre
des explosifs. On retrouve la trace de cette compagnie pendant les
combats de l’Argonne (à partir du 14 Juillet 1915) et la Guerre des
Mines qui s’ensuivit ainsi que sur la partie Ouest du Front de Verdun,
à partir de Février 1916. Le rôle du Génie, dans une armée est de
réaliser des travaux de consolidation d’ouvrages ou de franchissement
souvent au contact proche de l’ennemi, jusqu’en 1 ère ligne.
Le
terme «Blessures de Guerre» étant mystérieux pour moi, je
pourrais en avoir la signification exacte bien que le Service Médical
des Armées garde "à usage interne" la nature de sa ou ses blessures
pendant 90 ans à terme échu.
Mes
arrières grands parents, ma grand-mère ainsi que mon père ne surent jamais ainsi les circonstances dans lesquelles ils le perdirent. Ce qui
n’est peut-être pas plus mal. Quant à moi, je n’ai toujours pas entamé
de demande en ce sens auprès des services intéressés.
En
fait, je n’eus pas besoin de me rendre aux Archives de l’Armée pour en
savoir plus sur les circonstances de la mort de mon grand-oncle. Pour
être tout à fait honnête, je n’en eus pas le courage non
plus !.... Les lignes qui suivent me suffisent encore à ce jour.
Extrait du Guide Illustré Michelin des Champs de Bataille Verdun et Argonne, édition 1936, p 109 :
« Attaqué dès le 14 Mars 1916, écrasé d’obus le 25 Avril, Cumières ne
fut enlevé par l’ennemi que dans la nuit du 23 au 24 Mai. Le 26 Mai, au
soir, après une lutte acharnée, les Français en reprirent la partie Est.
Les
29 et 30 Mai 1916, après deux jours de bombardement continu, ils
furent un moment refoulés par des forces supérieures vers
Chattancourt ; mais une vigoureuse contre-attaque les ramena
jusqu’aux lisières Sud du village, sans toutefois leur rendre le Bois
des Caurettes, au Sud Ouest de Cumières.
Le 20 Aout 1917, Cumières et son bois furent repris par le régiment de Marche de la Légion Etrangère».
Complètement
rasé, réduit à l’état de terrain nu, maintes et maintes fois retourné
et labouré par les obus, Cumières fut déclaré « Mort pour la
France ».
Quoiqu’il
en soit, entretemps, les noms de Cumières, Le Mort Homme, la Cote 304,
le ravin de la Hayette, le Bois des Corbeaux et la cote de l’Oie
m’étaient devenus des noms familiers. Seule
me manquait une confirmation de date : mon grand oncle était
décédé le 23 ou le 29 Avril 1916 des suites de blessures de guerre. Il me
plait de croire qu’il fut au nombre des victimes du monstrueux
pilonnage d’artillerie du 25 Avril 1916 … ou de ceux qui le précédèrent.
Et
si ce n’est pas à Cumières même qu’il fut blessé, les endroits
précédemment cités sont tellement imbriqués les uns dans les autres
qu’ils ne formaient à l’époque qu’un seul et unique front long de 4 kms
au maximum, tout comme ils ne forment aujourd’hui qu’un seul et même
paysage.
L’Histoire est à coté de chez vous. Parfois, on lui marche dessus !
Le
fait que ce courrier nous soit parvenu n’est pas qu’une simple histoire
de famille. En 1914, le courrier des soldats à leur famille n’était pas
encore "surveillé" comme il le fut à partir de 1915. Ceci explique
aussi pourquoi, nous ne possédons de lui que ce courrier de Noël 1914,
recopié au porte-plume par ma grand-mère alors adolescente de 13 ans.
L’original comme la copie me sont tout aussi précieux.
Il n’aurait pu imaginer que ce courrier serait lu, 90 ans plus tard, aux enfants du Siècle suivant. C’est là, sa propre victoire.